Ma lettre

Assis sur une chaise, je me balance en avant, en arrière. Mes souvenirs activent un petit sourire sur mes lèvres, mais l’amertume et le désespoir finissent par reprendre le dessus. Je suis triste. Triste du fait que tu ne me vois plus ; que tu ne me regardes plus. Pourtant dieu seul sait comment je me suis investi pour toi. Par mon travail, mon courage et mon abnégation, j’ai fait de toi ce que tu es aujourd’hui.

Pendant plusieurs années, et cela sans relâche, je me suis donné au travail. Tu as aujourd’hui tout ce qu’il te faut pour être respecté. Des immeubles, une autosuffisance  alimentaire, une sécurité des biens et des personnes, bref tout ce qu’il te fallait. Tu rayonnes dans le concert des nations.  Tu te targues d’être un pays de droits, tout en oubliant que c’est moi et les autres qui avons lutté pour ces droits. Si je t’écris, c’est par rapport à la promesse que tu m’avais faite.

Tu te souviens, tu me disais que j’aurai une retraite tranquille, à l’abri du besoin. Que je serai pris en charge le moment venu. En retour, tu m’as mis dans une chambre avec des rideaux, des fenêtres et des portes closes. Une chaise roulante me sert de fauteuil et de moyen de locomotion. Je t’observe chaque jour à travers les fenêtres. J’ai pas de moyens pour finir mes vieux jours. Tu n’as pas tenu à tes promesses. Même les droits pour lesquels j’ai lutté pour moi et mes enfants s’étiolent  de jour en jour. Du coup, mon fils ne me rend plus visite. Tu l’utilises trop et il n’a plus de temps à m’accorder. Entre moi qu’il pense et qu’il ne voit pas, et mon petit-fils qu’il regarde sans voir, quel avenir pour nous ? Est-ce comme cela que je suis récompensé après tout le service que je t’ai rendu ?

Le pensionné que je suis, te demande de le sortir des placards, des oubliettes, car je peux encore participer à ton développement. J’ai encore mon mot à dire. J’ai droit à ton respect  et non à ton indifférence.

Pour et au nom de tous les pensionnés.
Ton fils