Le Burkina et une résistance populaire

Burkina Faso: un pays si loin et si proche

Alors que l’actualité des médias européens se focalise aujourd’hui sur le Moyen Orient et la problématique dramatique des migrants, victimes de guerres aux enjeux essentiellement économiques et de partage de pouvoir, je voudrais m’arrêter quelque peu sur l’actualité de mon pays d’origine: Le Burkina Faso. Tenter de montrer que les mécanismes là-bas sont parallèles à ce que l’Europe vit aujourd’hui dans sa contestation d’une politique d’austérité imposée par une oligarchie au service d’une main peu visible mais omniprésente d’une coalition de la haute finance et des banques.

Burkina Faso. 274200km2, 18 000 000 millions d’habitants. Une économie qui repose sur l’agriculture et l’élevage sur des terres riches en matières premières, comme sur tout ce continent (zinc, uranium, pétrole, forêts, etc. etc.). Un peuple connu pour sa bravoure et son abnégation au travail. Un peuple de travailleurs qui parmi tant d’autres prend conscience de son exploitation et de la distribution injuste des richesses produites par ses mains et sa terre. Un peuple qui veut montrer sa détermination pour changer cette injustice et participer au mouvement mondial de lutte contre celle-ci.

Mais revenons sur les derniers évènements survenus dans ce petit pays. Ils nous concernent plus qu’en apparence. Une brève et incomplète analyse peut démontrer leur impact mondial autant que celui de son propre avenir, avec quelques enseignements en en tirer.

Octobre 2014: le peuple burkinabé descend dans la rue, espérant mettre fin aux 27 années de règne sans partage du président Compaoré. Un soulèvement populaire qui peut intéresser une Europe dont les mouvements populaires tels ceux en Grèce, en Espagne mettent sur la place publique une contestation politique menée par une gauche radicale qui s’organise et obtient des succès.

Le 29 octobre 2014, une foule nombreuse descendait dans la rue pour dire non au pouvoir à vie du président Compaoré et de son gouvernement. En deux jours de « grogne » publique dans les rues, le président s’enfuyait en Côte-d’Ivoire rendant vacant l’exercice du pouvoir. Un gouvernement de transition était mis en place pour conduire à des élections prévues le 11 octobre 2015. Ces évènements sonnaient comme un réveil de la jeunesse africaine dans son ensemble. Nous savons tous, sans parfois oser le proclamer haut et fort, combien le pouvoir dans cette partie du monde africain est détenu par des despotes et exploitants humains. Ceux-là qui par alliance et corruptions diverses tant nationales qu’internationales travaillent à s’assurer des pouvoirs à vie en bradant les richesses du continent à des multinationales et aux forces capitalistes. S’il est vrai que le continent est très riche, le fruit de la croissance en revanche ne profite qu’à une poignée de personnes et leurs familles.

Dernièrement, un groupe de militaires conduit par l’ex chef d’état-major à la présidence a repris le pouvoir et pris en otage le président de transition et son gouvernement. Le peuple de retour dans la rue mettra encore fin à cette imposture et rétablira les institutions de la république.

Cette « révolution » du peuple burkinabé peut montrer une voie à suivre, non seulement au continent africain pour sortir de son sous-développement, mais aussi d’une manière bien plus large à toute une jeunesse mondiale aspirant à changer le mode capitaliste comme unique et incontournable modèle démocratique et économique.

Mon soutien va en premier lieu à ceux qui dans mon pays et dans toute l’Afrique combattent pour plus de justice, mais aussi à tous ceux pour qui les gens sont avant tout des êtres humains et non des objets de marchandises via l’exploitation de leur travail sans lequel il n’y aurait ni progrès, ni richesse.

Une partie importante des fils et filles du continent se retrouvent en Europe. Si la vie est très difficile pour ces personnes, le retour aux pays d’origines reste hypothéqué par les politiques menées sur le continent. Sur les réseaux sociaux, la diaspora africaine a salué le courage dont le Burkina a fait preuve. Elle a invité les autres pays à s’inspirer de cet élan de lutte empreint d’espoir pour sortir notre continent du sous-développement et permettre son retour dans la sécurité et la sérénité

Le continent dispose de nombreuses richesses naturelles. Ces ressources et leur exploitation ne profitent qu’à une minorité corrompue et gangrénée par des capitalistes et leurs servants locaux. Une reprise en main de sa propre destinée par le peuple conduira à l’avènement de nouvelles classes dirigeantes dans ces pays et à une meilleure implication des jeunes dans les processus de développement. Une meilleure négociation des contrats d’exploitation en matières premières, voire leur nationalisation sont indispensables. Les ressources du continent sont vendues à des prix dérisoires à des sociétés capitalistes qui s’enrichissent sur le dos des populations. Ces mêmes sociétés, dont les sièges sont en Europe, transforment ces matières premières et les remettent sur le marché de la consommation à des prix non accessibles pour le citoyen lambda. Les citoyens européens sont aussi victimes de ce système capitaliste au même titre que leurs frères du tiers monde. L’exploitation, l’exclusion, la précarité doivent devenir les armes se retournant contre ceux qui les ont créées.

S’inspirant de l’exemple du Burkina, d’autres nations africaines ont commencé à se faire entendre. Des présidents ont entrepris de » tripatouiller » les constitutions pour rester au pouvoir. Ils trouveront sur leur chemin la contestation publique dans la rue et une résistance farouche de la jeunesse africaine. Ces « grognes » ont déjà commencé avec les deux Congo ( Brazzaville et Kinshasa).

Le combat sera long et ardu. La voie d’une démocratie parlementaire n’est pas une garantie de progrès économiques et sociaux. Même en Europe, nous avons vu ce qu’il en advenait en Grèce. Le nouveau gouvernement qui sortira des urnes, avec toute sa bonne volonté de conduire les chantiers de développement du pays se heurtera aux diktats du capitalisme et de la finance. Le combat mené par l’Afrique pour son développement est le même que celui mené par l’Europe pour lutter contre la politique d’austérité et l’injustice de la répartition des richesses produites. Quand je vous disais que nous étions loin, mais proches…