Cent mille personnes pour une meilleure répartition des richesses, contre les mesures d’austérité.

Un résumé de notre participation à la manifestation nationale du 7 octobre 2015 à Bruxelles

Un an de gouvernement Michel. Que retenir de ces douze mois ou l’exécutif Belge avec à sa tête une coalition MR-N-VA a dirigé de main de fer des reformes qui touchent l’ensemble des travailleurs de la Belgique ? On peut retenir que depuis son arrivée au pouvoir, Charles Michel et son allié N-VA n’ont pas perdu du temps. Ce gouvernement a adopté des lois qui précarisent les populations et rend presque insoutenable le cout de la vie. La suppression du revenu d’insertion à un certain nombre d’étudiants, le relèvement de l’âge de la pension à soixante-sept ans, une suppression du saut d’index, la suppression du complément d’ancienneté, les coupes au niveau des allocations d’insertion , les coupes rigoureuses dans les secteurs publics et les pensions sont autant de mesures à mettre à l’actif du gouvernement Michel qui selon un grand nombre d’habitants en Belgique n’en finit plus de diviser.

Ces divisions ont fini par colorer Bruxelles en rouge, vert et bleu en ce matin du 07 octobre 2015. Les différents syndicats du pays qui regroupent en leur sein les travailleurs, ont jugé qu’il fallait montrer son mécontentement face à ces mesures et rappeler le gouvernement à l’ordre. C’est donc en front commun que les centrales syndicales ont décidé d’un commun accord d’une manifestation nationale.

En ce matin d’automne, la population était à un rendez-vous porteur d’espoir. Cent mille personnes selon les organisateurs ont répondu présentes à l’appel syndical. Travailleurs sans-emploi, sans-papiers, pensionnés, tous étaient sortis pour dire haut et fort « trop c’est trop ». Le monde des possibles n’est pas resté en marge de cette mobilisation. Asbl qui travaille dans le champ de la culture, elle compte en son sein un grand nombre de personnes issues de l’immigration. S’il est vrai que les populations sont touchées par les mesures impopulaires du gouvernement Michel , les personnes immigrées ne sont pas épargnées ; elles sont de plus en plus stigmatisées, discriminées et le racisme a gagné du terrain. C’est donc en toute légitimité que les stagiaires de l’asbl, accompagnés de leurs formateurs et de quelques bénévoles ont tenu à être représentés dans cette manifestation nationale.

Une quarantaine de stagiaires et formateurs issus de l’Asbl ont donc rejoint les rangs des grévistes en ce matin du 07 octobre 2015. Leur parcours qui a débuté devant les portes de l’association les a d’abord conduit à la FGTB à la place St Paul à liège ou les attendaient d’autres participants travailleurs sans-emploi et travailleurs sans-papiers. C’est donc tous ensemble, à bord de deux autobus affrétés pour la manifestation que les personnes se sont rendues à Bruxelles. Elles se sont jointes à la grande masse de manifestants et ont scandé tout au long du trajet des slogans hostiles au gouvernement, elles ont dénoncé les politiques d’austérité, d’exclusion, de criminalisation ; elles ont revendiqué le droit à une vie digne, à une répartition équitable du fruit de la croissance.

Eux, citoyens, travailleurs de Belgique ont dénoncé toutes les exclusions :

  • Exclusion d’un logement,
  • Exclusion du travail,
  • Exclusion du territoire,
  • Exclusion de la sécurité sociale,
  • Exclusion des soins de santé…..

C’est aux environs de quinze heures que la foule qui s’était amassée autour des représentants syndicaux, des militants des droits de l’homme et des leaders politiques a commencé à se disperser avec une question à la bouche. …..A qui profitent ces exclusions ?

Liège,octobre 2015

« Le monde des Possibles »asbl

Le Burkina et une résistance populaire

Burkina Faso: un pays si loin et si proche

Alors que l’actualité des médias européens se focalise aujourd’hui sur le Moyen Orient et la problématique dramatique des migrants, victimes de guerres aux enjeux essentiellement économiques et de partage de pouvoir, je voudrais m’arrêter quelque peu sur l’actualité de mon pays d’origine: Le Burkina Faso. Tenter de montrer que les mécanismes là-bas sont parallèles à ce que l’Europe vit aujourd’hui dans sa contestation d’une politique d’austérité imposée par une oligarchie au service d’une main peu visible mais omniprésente d’une coalition de la haute finance et des banques.

Burkina Faso. 274200km2, 18 000 000 millions d’habitants. Une économie qui repose sur l’agriculture et l’élevage sur des terres riches en matières premières, comme sur tout ce continent (zinc, uranium, pétrole, forêts, etc. etc.). Un peuple connu pour sa bravoure et son abnégation au travail. Un peuple de travailleurs qui parmi tant d’autres prend conscience de son exploitation et de la distribution injuste des richesses produites par ses mains et sa terre. Un peuple qui veut montrer sa détermination pour changer cette injustice et participer au mouvement mondial de lutte contre celle-ci.

Mais revenons sur les derniers évènements survenus dans ce petit pays. Ils nous concernent plus qu’en apparence. Une brève et incomplète analyse peut démontrer leur impact mondial autant que celui de son propre avenir, avec quelques enseignements en en tirer.

Octobre 2014: le peuple burkinabé descend dans la rue, espérant mettre fin aux 27 années de règne sans partage du président Compaoré. Un soulèvement populaire qui peut intéresser une Europe dont les mouvements populaires tels ceux en Grèce, en Espagne mettent sur la place publique une contestation politique menée par une gauche radicale qui s’organise et obtient des succès.

Le 29 octobre 2014, une foule nombreuse descendait dans la rue pour dire non au pouvoir à vie du président Compaoré et de son gouvernement. En deux jours de « grogne » publique dans les rues, le président s’enfuyait en Côte-d’Ivoire rendant vacant l’exercice du pouvoir. Un gouvernement de transition était mis en place pour conduire à des élections prévues le 11 octobre 2015. Ces évènements sonnaient comme un réveil de la jeunesse africaine dans son ensemble. Nous savons tous, sans parfois oser le proclamer haut et fort, combien le pouvoir dans cette partie du monde africain est détenu par des despotes et exploitants humains. Ceux-là qui par alliance et corruptions diverses tant nationales qu’internationales travaillent à s’assurer des pouvoirs à vie en bradant les richesses du continent à des multinationales et aux forces capitalistes. S’il est vrai que le continent est très riche, le fruit de la croissance en revanche ne profite qu’à une poignée de personnes et leurs familles.

Dernièrement, un groupe de militaires conduit par l’ex chef d’état-major à la présidence a repris le pouvoir et pris en otage le président de transition et son gouvernement. Le peuple de retour dans la rue mettra encore fin à cette imposture et rétablira les institutions de la république.

Cette « révolution » du peuple burkinabé peut montrer une voie à suivre, non seulement au continent africain pour sortir de son sous-développement, mais aussi d’une manière bien plus large à toute une jeunesse mondiale aspirant à changer le mode capitaliste comme unique et incontournable modèle démocratique et économique.

Mon soutien va en premier lieu à ceux qui dans mon pays et dans toute l’Afrique combattent pour plus de justice, mais aussi à tous ceux pour qui les gens sont avant tout des êtres humains et non des objets de marchandises via l’exploitation de leur travail sans lequel il n’y aurait ni progrès, ni richesse.

Une partie importante des fils et filles du continent se retrouvent en Europe. Si la vie est très difficile pour ces personnes, le retour aux pays d’origines reste hypothéqué par les politiques menées sur le continent. Sur les réseaux sociaux, la diaspora africaine a salué le courage dont le Burkina a fait preuve. Elle a invité les autres pays à s’inspirer de cet élan de lutte empreint d’espoir pour sortir notre continent du sous-développement et permettre son retour dans la sécurité et la sérénité

Le continent dispose de nombreuses richesses naturelles. Ces ressources et leur exploitation ne profitent qu’à une minorité corrompue et gangrénée par des capitalistes et leurs servants locaux. Une reprise en main de sa propre destinée par le peuple conduira à l’avènement de nouvelles classes dirigeantes dans ces pays et à une meilleure implication des jeunes dans les processus de développement. Une meilleure négociation des contrats d’exploitation en matières premières, voire leur nationalisation sont indispensables. Les ressources du continent sont vendues à des prix dérisoires à des sociétés capitalistes qui s’enrichissent sur le dos des populations. Ces mêmes sociétés, dont les sièges sont en Europe, transforment ces matières premières et les remettent sur le marché de la consommation à des prix non accessibles pour le citoyen lambda. Les citoyens européens sont aussi victimes de ce système capitaliste au même titre que leurs frères du tiers monde. L’exploitation, l’exclusion, la précarité doivent devenir les armes se retournant contre ceux qui les ont créées.

S’inspirant de l’exemple du Burkina, d’autres nations africaines ont commencé à se faire entendre. Des présidents ont entrepris de » tripatouiller » les constitutions pour rester au pouvoir. Ils trouveront sur leur chemin la contestation publique dans la rue et une résistance farouche de la jeunesse africaine. Ces « grognes » ont déjà commencé avec les deux Congo ( Brazzaville et Kinshasa).

Le combat sera long et ardu. La voie d’une démocratie parlementaire n’est pas une garantie de progrès économiques et sociaux. Même en Europe, nous avons vu ce qu’il en advenait en Grèce. Le nouveau gouvernement qui sortira des urnes, avec toute sa bonne volonté de conduire les chantiers de développement du pays se heurtera aux diktats du capitalisme et de la finance. Le combat mené par l’Afrique pour son développement est le même que celui mené par l’Europe pour lutter contre la politique d’austérité et l’injustice de la répartition des richesses produites. Quand je vous disais que nous étions loin, mais proches…

Le silence imposé de la servitude

Article publié dans le périodique « Agenda interculturel » du CBAI de Juin 2015 | n° 326 | Police et diversité, le choc des malentendus

Voir http://www.cbai.be/revuearticle/1291/

Plusieurs personnes sans-papiers nous indiquent une augmentation des contrôles policiers dont elles font l’objet1. Cette progression est-elle réelle ou faisons-nous face plutôt à une variation du dispositif de contrôle social qui s’étend à de plus en plus de parties de la population ? Toutes les personnes arrêtées le 26 mai dernier au centre de Liège ont été relâchées ; alors pourquoi 7 combis de policiers et le caractère ostentatoire de ce contrôle ?

Il s’agit d’interroger les rapports que peut entretenir l’Etat, sa politique migratoire et la police avec cette population mobile des sans-papiers dans un contexte de contestation sociale grandissante. Le renforcement des contrôles policiers à l’égard des sans-papiers doit-il être corrélé avec le fait qu’ils/elles incarnent une certaine évolution des travailleurs vers plus de flexibilité en matière de mise au travail, de conditions de travail, des formes d’emploi informelles2… ? Question qui concerne finalement tous les travailleurs et travailleuses de Belgique. Les travailleurs sans-papiers, boucs émissaires aujourd’hui, sont-ils une préconfiguration du statut des travailleurs nationaux de demain ? Ils incarnent aujourd’hui une disponibilité et vulnérabilité de plus en plus grande en raison du lien entre leur précarité juridique et précarité économique. Que révèlent les contrôles policiers à cet égard ?

Sécurité de l’Etat, sécurité dans l’Etat

Comment s’exprime la politique migratoire dans l’exercice du pouvoir qui consiste à contrôler des sans-papiers, à les intimider, à les menacer et souvent à les relâcher ensuite ? La politique migratoire semble s’exercer en invoquant des intérêts supérieurs (la sécurité DE l’Etat, etc.) alors que la police se présente comme instance continue dans son exercice pour assurer « le bon ordre » (sécurité DANS l’Etat). Ne doit-on voir dans ce contrôle policier du 26 mai qu’une stricte application de la raison d’Etat et sa matérialisation dans une politique migratoire de plus en plus fascisante ? En effet, nous pouvons déplorer de plus en plus de discours officiels qui contribuent à amalgamer les discriminations illégitimes en différences légitimes, à associer les délinquances avec les migrations et à alimenter ainsi une criminalisation grandissante de la figure de l’étranger. Il s’agit d‘«interpeller les illégaux criminels » déclarait récemment Théo Francken (secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations, NV-A) qui investit intensivement la spirale répressive et populiste inspirée par le Vlaams Belang dont il cache difficilement ses affinités. Aux dernières nouvelles, les familles de sans-papiers avec enfants seront à nouveaux enfermées en centres fermés dont il souhaite augmenter la capacité « d’accueil » tout en régulant leur démographie par une recrudescence des expulsions3. Le « cordon sanitaire », affirme-t-il.

La police ce soir-là semble avoir fait part d’une certaine irrationalité : plusieurs personnes ayant la même situation administrative furent tantôt libérées sur le champ, tantôt arrêtées et emmenées au poste de police. Ces contrôles policiers intempestifs génèrent une menace permanente qui invite les sans-papiers à rester chez eux, à rester invisibles mais disponibles pour les fonctions subalternes d’une économie informelle où ils sont corvéables à merci.

Soulignons que la collaboration entre les polices locales, l’Office des Etrangers et les communes au sein du programme SEFOR (Se-Sensibilisation – Fo – Follow up and Return) autorise désormais la police à intercepter les sans-papiers à leur domicile sans mandat3. Devant une approche des polices communales qui pouvait antérieurement être interprétée différemment en fonction de sensibilités locales, l’Office des Etrangers a serré les boulons et désormais tente d’optimiser ses logiques d’intervention avec un maximum d’efficacité. Les polices locales sont désormais pleinement impliquées dans la politique d’éloignement.

Les contrôles policiers ont un double effet de pouvoir sur les sans-papiers et la population. D’une part, ils profitent à certains employeurs par une logique de stock de main-d’œuvre, abondance que la fabrication de l’illégalité génère ; d’autre part, par la démonstration « spectaculaire » dans l’espace public que l’Etat contrôle les flux migratoires, que la population peut dormir tranquille. Instance de régulation sociale, de normalisation en vue d’obtenir un comportement conforme des individus, la police agit ici sur fond d’un désordre virtuel ou manifeste selon une logique relation obéissance/déviance. Ici aussi la question du degré « d’insécurité que l’Etat décrète » compatible avec la liberté des citoyens concerne tout le corps social.

Exploitation économique

Les politiques de fermeture des frontières sont efficaces à d’autres choses que ce qu’elles disent viser car certains secteurs clés de notre économie ne tiendraient pas sans l’usage d’une main-d’œuvre non déclarée. Il s’agit du bâtiment, travaux publics, agriculture, restauration, hôtellerie, service à domicile etc. Etrangement, il existe un contraste saisissant entre l’absence de contrôle sur le lieu de travail et la recrudescence des contrôles dans l’espace public ; la probabilité pour un employeur de sans-papiers d’être contrôlé est infime au regard des contrôles des sans-papiers quotidiens chez eux ou dans l’espace public (gares, trains,…).

Les associations qui accompagnent les sans-papiers comme Le Monde des Possibles se retrouvent dès lors dans une difficulté à circonscrire les contours de cette police, ou plutôt nous devrions dire des polices en présence. SEFOR a en effet permis à l’Office des Etrangers de donner des « consignes » à la police locale pour ordonner les arrestations. Police comme politique ont la mission de gérer le corps social. Cette mission commune brouille les limites de leur champ d’action respectif et autorise alors la police à composer librement avec les circonstances, ce qui lui confère une part de souveraineté habituellement réservée à la raison d’Etat. De la politique migratoire à la police il n’y a donc pas une si grande opposition organique mais plutôt une différence de degré liée à des contextes spécifiques.

Il y aura d’autres contrôles policiers probablement de plus en plus répressifs dans le cadre du SEFOR. Mais parallèlement, il se développe des conduites qui souhaitent rompre l’aliénation, les liens d’obéissance aux injonctions à quitter le territoire pour affirmer les droits fondamentaux et une autre politique d’asile. Les sans-papiers sont des analyseurs de société, une figure des transformations sociétales ; une nouvelle occupation, squat d’un espace public est apparu ce samedi 6 juin à Sclessin, zone d’autonomie auto instituée où ils peuvent compter sur eux-mêmes, espace où la densité des liens interpersonnels constitue un sentiment collectif, une conscience de soi politique qu’aucune police ne pourra neutraliser.

Didier Van der Meeren

Administrateur asbl Le Monde des Possibles

www.possibles.org

[1] Contrôles policiers ne signifient pas ipso facto déportations. Celles-ci ont augmenté selon le porte-parole de l’Office des Etrangers.

[2] Exemple : un contrat de travail compté en heures pour les travailleurs étudiants est en réflexion au gouvernement fédéral. Voir www.lalibre.be/actu/belgique/le-job-etudiant-compte-en-heures-solution-ou-probleme-545a5a8a3570a5ad0ee098aa

[3] www.lalibre.be/actu/politique-belge/theo-francken-veut-augmenter-la-capacite-d-accueil-des-centres-fermes-543b5aec35708a6d4d5dd1a2

[4] Je laisserai le soin au lecteur de faire un parallèle avec les visites domiciliaires chez les chômeurs que le secrétaire d’État en charge de la Lutte contre la fraude sociale, Bart Tommelein (Open VLD), souhaite imposer. Homologie des pratiques à l’encontre des travailleurs sans-papiers et des travailleurs sans-emploi.

Le Monde des Possibles ASBL